Le condensé de l'ouvrage Urbanisme des SI et Gouvernance du Club Urba-EA, le recueil des retours d’expérience de grandes entreprises
Bien que l’on trouve les thèmes classiques du processus d’urbanisation et les composantes de l’Architecture d’Entreprise dans les frameworks de Zachman et TOGAF, on est ici avant tout dans un recueil de retours d’expériences empruntées à de grandes entreprises, ce qui est assez rare et qui mérite d’être souligné.
Les auteurs
Le Club Urba-EA réunit les professionnels des grandes entreprises, en charge de piloter les transformations du Système d’Information (SI) et de l’Architecture d’Entreprise (AE). Au travers de conférences et de groupes de travail, les membres du Club échangent sur des problématiques variées : exigences métier, processus, entreprise numérique, transformation du SI, maîtrise des données (data centric, big data, référentiels…), opportunités technologiques, solutions Cloud, API, intelligence artificielle…
L'essentiel
La première partie intitulée “L’essentiel” rappelle le défi des entreprises qui est de se mouvoir dans l’ordre ou risquer le chaos face aux évolutions perpétuelles des règles et des dynamiques de l’économie mondialisée, le changement devient un état permanent.
L'urbanisation : un processus permanent
Les différentes dimensions de l'urbanisme de SI
Dans la deuxième partie, les auteurs posent les postulats du processus d’urbanisation du SI. Tout d’abord, la dimension statique constituée d’un modèle en couches verticales ou le niveau inférieur est la réalisation du niveau immédiatement supérieur.
Les niveaux sémantiques du modèle en couches de l'urbanisation du SI
- La vision métier est axée sur la stratégie, les processus métier et les activités de l’entreprise.
- La vision fonctionnelle structure en blocs les informations et services nécessaires aux processus métier.
- La vision applicative informatise les services et les données métier regroupés en applications.
- Enfin, la vision technique implémente ces logiciels sur l’infrastructure technique répondant au contrat et SLA (Service Level Agreement, règles de gouvernance) de service.
La dimension dynamique s’occupe de la prospective visant à définir une cible d’évolution pour le SI (voir notre article : Le rôle de la prospective pour une entreprise innovante et résiliente).
La modélisation des différentes couches permet de cartographier l’état actuel du SI, ainsi que la cible souhaitée. Cette dimension inclut le caractère opérationnel indispensable pour concrétiser les options d’évolutions en applications.
Le néophyte découvrira les macro-processus de l’urbanisation des SI à savoir :
- les processus opérationnels : planifier les développements des applications en définissant les trajectoires pour l’atteinte des cibles définies, promouvoir les architectures orientées services (SOA), ainsi que les référentiels et le BPM (Business Process Management), contribuer aux phases amont des projets et assurer la gouvernance des règles d’urbanisme,
- les processus de pilotage : mesurer le degré de maturité de l’urbanisation du SI,
- les processus de support : les méthodes de cartographies et la formation à la démarche d’urbanisation du SI.
L’Architecture d’Entreprise dans le monde anglo-saxon est un “mindset” reposant sur une modélisation globale rassemblant acteurs, motivations, stratégies, organisations, processus métier, données métier, écosystèmes technologiques, infrastructures techniques…
Le champ couvert est plus étendu que l'urbanisation du SI, comme nous l’avons détaillé dans notre article : Urbanisation du Système d'Information vs Architecture d'Entreprise
Périmètre de l'urbanisation du SI par rapport à l'architecture d'entreprise
en considérant le framework de Zachman
Société Générale
Plusieurs retours d’expérience concernant l’indice d’urbanisation sont détaillés, notamment celui de la Société Générale. Les principaux critères retenus sont :
- Connaître le système existant
- Gérer les référentiels
- Disposer de cibles d’évolution du SI
- Maîtriser une construction du SI optimale
- Maîtriser la complexité des flux
- Piloter l’urbanisation du SI et communiquer
Les résultats ont servi à dresser un état des lieux, à établir un diagnostic et à définir deux cibles, une à court terme et une théorique et enfin à élaborer un plan d’action pour tendre vers cette dernière.
Renault
Parmi les exemples d’urbanisation des échanges en entreprise étendue, on trouve celui de Renault. Il s’agit de l’urbanisation des échanges en B2B (Business to Business). Une voiture est faite à plus de 60 % de pièces détachées achetées par les constructeurs. Tous les métiers comme l’ingénierie, les achats, la logistique… sont en relation avec des partenaires ou des fournisseurs. Les auteurs détaillent le contexte, les acteurs, la situation initiale et la problématique, les enjeux et les objectifs, la démarche mise en œuvre, les préconisations de l’étude, le déploiement de l’infrastructure d’échange, l’évangélisation des MOA et MOE.
La démarche d’urbanisation a eu pour effet d’apporter aux directions métier (MOA) une méthode pour réaliser des processus ouverts et aux maîtrises d'œuvre (MOE) des recommandations pour faciliter la réutilisabilité, l’évolutivité et la généricité des applications. Tout échange avec les partenaires se fait à travers le portail fournisseur. La propriété de généricité d’entreprise étendue est remplie avec un seul et même portail pour les employés et fournisseurs qu’il suffit de paramétrer selon des règles appropriées. Les modèles des maquettes conçus par ingénierie assistée par ordinateur sont échangés par un processus formalisé, unique et outillé. Le protocole d’échange “Odette” du monde automobile a été adopté par tous les acteurs.
Le lecteur trouvera dans cet exemple une démarche et des préconisations générales qui ne sont pas propres à Renault. Il pourra les appliquées aux échanges transverses internes ou aux échanges en B2B d’autres entreprises.
Un deuxième cas d’usage de la réalisation d’un processus d’urbanisation d’un SI transverse est traité au travers de la filière Risque de la Société Générale. Les apports se traduisent par : une meilleure connaissance et une vue d’ensemble de l’existant, la modélisation des objectifs et processus métier, les architectures fonctionnelles et applicatives comme cadre de référence, une meilleure connaissance des projets de la filière risque dans les branches.
L'urbanisme : composante majeure de la gouvernance
du Système d'Information
Les apports de l'urbanisme de SI à la gouvernance
“On ne peut gouverner que ce que l’on connaît”, tel pourrait être le titre de cette troisième partie consacrée au rôle prépondérant de l’urbanisme dans la gouvernance du SI.
Les objectifs de la gouvernance du SI (voir nos articles : L'urbanisme et la gouvernance du Système d'Information) sont :
- l’alignement du SI sur la stratégie de l’entreprise
- l’optimisation de la contribution du SI pour le métier et pour les clients
- la maîtrise des coûts du SI
- la réduction des risques liés au SI
- la fourniture quotidienne aux clients du SI, des niveaux de service qu’ils attendent.
L’urbanisme va permettre le pilotage de l’évolution du SI, la gestion des risques, la maîtrise des coûts et la création de valeur.
AXA
Ces apports de l’urbanisme dans la gouvernance du SI sont explorés au travers du retour d’expérience d’AXA France. Après avoir construit une cible fonctionnelle par une approche top-down, l’urbanisme chez AXA s’est concentré sur l’intégration des activités MOA dans le cycle des projets et notamment dans la phase amont. Le processus de gouvernance a permis d’inscrire l’urbanisme le plus en amont possible, permettant aux architectes d’intervenir le plus tôt possible dans les projets.
Un référentiel des processus est, alimenté par leurs concepteurs, articulé avec le référentiel applicatif et les fonctions de la cible d’urbanisme, permettant une continuité entre les modèles de processus, fonctionnels et applicatifs.
Une meilleure intégration MOA et MOE a permis entre autres l’automatisation des processus.
Air France et KLM
L’exemple typique de projet d’urbanisation lors d’une fusion de 2 entreprises est abordé avec le rapprochement d’Air France et de KLM. La démarche a été menée avec pragmatisme en partant de qui est disponible en utilisant une méthode bottom-up. L’urbanisme a permis de structurer le processus de rapprochement des SI des deux compagnies. Une décomposition en domaines métier a été effectuée, la communication entre les équipes a été améliorée grâce aux cartographies fonctionnelles. Une stratégie commune a été définie avec la mise en œuvre de référentiels communs permettant une politique commerciale plus efficace, l’interopérabilité entre applications, la construction de règles et de trajectoires vers des cibles choisies.
Le SI résultant et urbanisé a apporté une amélioration de la lisibilité par le métier, une diminution de la taille des projets grâce à la modularité.
L'urbanisme au cœur des projets
La partie 4, répond aux questions :
- Quelles sont les interactions entre urbanisme et projets ?
- Comment intégrer l’urbanisme dans les projets ?
- Comment l’urbanisme peut-il réduire le coût des projets métier ?
La contribution des SI au métier de l’entreprise n’est plus à démontrer, il faut maintenant la développer.
L’ouvrage énonce les principales règles d’urbanisme, ce qui devrait intéresser le néophyte. Nous en donnons ici quelques exemples :
- Pour chaque domaine métier, une cartographie des applications existe et est mise à jour par les projets.
- Un référentiel de données d’entreprise ne doit pas être géré dans une application spécifique opérationnelle.
- Pour chaque domaine métier, une cible fonctionnelle existe et est validée par le métier.
- La construction de tout nouveau système applicatif respecte un modèle en n couches.
- Deux applications relatives à deux activités différentes ne peuvent pas gérer une même donnée en accès CRUD (Create, Read, Update, Delete).
- Une application métier utilise des services (architecture SOA Service Oriented Architecture de type par exemple microservices, voir nos articles : Architecture Micro-Services et Micro-Services études de cas) pour réaliser les fonctions suivantes : échanges, données référentielles, sécurité, décisionnel, gestion des ressources nécessaires au processus métier.
- A l’intérieur d’un SI, les échanges de données entre blocs fonctionnels n’appartenant pas au même domaine ne se font pas en point à point, mais passent par des outils d’échange comme l’EAI (Enterprise Application Integration), un bus logiciel ESB (Enterprise Service Bus), l’Event Streaming (voir nos articles : Event Driven Architecture EDA.
Les futurs urbanistes de SI apprécieront le chapitre consacré aux fonctions qu'ils auront à remplir et trouveront plusieurs cartographies fonctionnelles comme par exemple celles de la RATP et RTE (filiale d’EDF), entièrement commentées.
L'urbanisme créateur de valeur
La cinquième partie explique comment l’urbanisme est un moyen d’accroissement de valeur.
Bien des exemples d’urbanismes réussis sont liés à la prospective.
Le retour sur investissement (ROI) de l’urbanisme est celui d’une infrastructure caractérisée par un investissement à la création puis par un coût d’entretien.
Au départ des surcoûts apparaissent viennent ensuite les économies que procurent la réduction des études amont, l’anticipation des impacts des autres projets, la réduction du périmètre des projets, la réduction des études, des développements et de la recette, la réutilisabilité de blocs applicatifs et pour finir l’existence de règles permettant aux projets de se concentrer sur les aspects métier. Dès que l’apport de valeur dépasse le cumul des surcoûts, le ROI est atteint.
Conclusion
L’ouvrage se termine sur des perspectives à court terme. Les grandes entreprises, dotées de SI de plus en plus complexes, seront confrontées à un environnement réglementaire protéiforme et des contraintes mondialisées, les obligeant à lutter contre l’entropie et à rechercher toujours plus d’agilité.
Les urbanistes deviendront les catalyseurs de cohérence, de transversalité et de flexibilité.
Une révolution technique donnera-t-elle enfin l’agilité instantanée tant désirée ?
Urbanisme des SI et gouvernance
Bonnes pratiques de l’architecture d’entreprise
Club URBA-EA
Parution : avril 2010 - 2ème édition
Collection : InfoPro
Editeur : Dunod
|
Rhona Maxwel @rhona_helena |
“Le drame de notre temps, c'est que la bêtise se soit mise à penser.”
Jean Cocteau
Compléments de lecture
La médiathèque
Le condensé de l’ouvrage Architecture et transformation de l'entreprise et du SI de Romain Hennion Rhona Maxwel |
Cet ouvrage décrit la méthode d’architecture d’entreprise BATP (Business Architecture Transformation Program) de la société Global Knowledge, qui est une adaptation pratique de TOGAF (The Open Group Architecture Framework) en fonction de leurs nombreux retours d’expérience internationaux. |
|
Urbanisation, SOA et BPM d’Yves Caseau Rhona Maxwel |
Les retours d’expérience d’un Directeur des Systèmes d'Information de grands comptes sont précieux et ne sont pas légion. Le parcours original de l’auteur lui permet d’exposer de manière pédagogique des points de vue de chercheur en architecture distribuée, d’ingénieur d’étude, de consultant en architecture de SI et enfin de DSI pour les aspects opérationnels. Fait assez rare pour ne pas être souligné, on trouve dans cet ouvrage de nombreux exemples concrets tirés de l’expérience à Bouygues Telecom. |
|
Le projet d'urbanisation du SI de Christophe Longépé Rhona Maxwel |
Comment un ouvrage informatique, vieux de plus de 20 ans (la première édition date de 2001, la 4e et dernière édition de 2009), peut-il être toujours d’actualité et considéré comme un livre culte ?
|
|
|
Cas concret d’un Système d’Information urbanisé : Mango
|
Dans cette vidéo sous forme de présentation silencieuse de slides, vous découvrirez un exemple pédagogique illustrant les fondamentaux de l’urbanisation du Système d’Information allant même parfois jusqu’à montrer des rapports et des structures de données. Cette vidéo très détaillée convient bien à ceux qui recherchent des exemples de la vraie vie. |
|
Laurent Jordi |
Parmi les critiques de TOGAF, une qui revient souvent concerne le manque d'exemples détaillés et de cas d'usage démontrant la praticité de ses recommandations. Cette vidéo devrait adoucir ce reproche. |
Notre série "est-il un bon outil de modélisation"
|
Rhona Maxwel |
Cet outil gratuit, en français, en mode SaaS dans le cloud, accessible à partir de nombreux appareils mobiles (iOS, Android…), offre un panorama hétéroclite de modèles de visuels, dont voici une liste à la Prévert : cartes cadeaux, anniversaire, menus, albums photos, tableaux de bord, graphiques statistiques, bande dessinée… et ce qui nous intéresse tout particulièrement les diagrammes ArchiMate, BPMN, et UML.
|
|
Essai et évaluation de Modelio : est-il un bon outil de modélisation ? Rhona Maxwel |
Ce test concerne Modelio, le seul outil open source fonctionnant sur Windows, Linux, Mac OS, supportant ArchiMate, TOGAF, BPMN, UML, SysML, MDA et offrant, pour tous ces artefacts de modélisation, un référentiel commun assurant la traçabilité depuis la stratégie jusqu’à la couche technologique. Mais est-il fiable en usage intensif dans les entreprises ou doit-il être plutôt réservé à l’apprentissage de la modélisation ?
|
|
ADOIT:CE pour la gestion de l’Architecture d’Entreprise Thierry BIARD |
Comme le suggère le titre de notre blog, la mise en œuvre de l’Urbanisation du Système d’Information et de l’Architecture d’Entreprise doit se faire avec méthode. Mais sans outil adéquat, l’application d’une méthode s’avère vite laborieuse. Rappelons qu’il s’agit de mettre en place un référentiel d’architecture (généralement stocké dans une base de données) contenant des objets, qui seront ensuite utilisés pour créer des modèles (diagrammes, matrices, listes et rapports). Les articles de notre blog concernant les outils rencontrant généralement un grand succès, en voici un concernant un outil intéressant, et pas seulement parce qu’il est gratuit.
|
|
ADOIT:CE (compléments d’information) Thierry BIARD |
Voici quelques compléments d’information intéressants qui ont été donnés par l’éditeur BOC Group. |
PILI, Agilité logicielle, Event Driven Architecture, Architecture Hexagonale et Domain Driven Design
|
Le PILI était-il un bon modèle ? Thierry BIARD |
En fin d’année 2021, la RATP a mis en vente aux enchères du mobilier réformé, au profit d’une œuvre caritative (belle initiative). Parmi les 215 lots mis en vente figuraient quatre PILI (Panneaux Indicateurs Lumineux d’Itinéraires).
|
|
Rhona Maxwel |
Des plus petites aux plus grandes entreprises, le concept de bounded context est aujourd’hui au cœur de la conception d’architecture logicielle, mais se pose l’éternelle question de quelle méthode pour parvenir à un découpage produisant le couplage le plus faible, augmentant ainsi l’évolutivité, l'autonomie et l'agilité.
|
|
Rhona Maxwel
|
Comment gérer l’idempotence de l’envoi d’un même message ?
|
|
Architecture Hexagonale, un exemple de mise en pratique de la méthode DDD Domain Driven Design Rhona Maxwel |
L'architecture hexagonale (ou encore Ports & Adapters Architecture, ce qui est moins sexy) créée par Alistair Cockburn garantit la réutilisabilité de la logique métier en la rendant agnostique techniquement. |
Les couches de l'Architecture Microservices et la méthode de conception DDD (Domain Driven Design) Rhona Maxwel
|
Cet article présente le rôle des différentes couches de l'Architecture Microservices et le lien avec la méthode de conception DDD. |
A découvrir aussi
- Cas concret d’un Système d’Information urbanisé : Mango
- Urbanisation, SOA et BPM d’Yves Caseau
- Le condensé de l’ouvrage Architecture et transformation de l'entreprise et du SI de Romain Hennion
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 757 autres membres